Arrivée de Kane, accompagnée de Pearl et Mist

Mist et Pearl se chargèrent de guider Kane au travers des multiples escaliers et couloirs du Château. A l'étage des Chambres, ils tournèrent maintes et maintes fois à différents croisements, s'enfonçant toujours plus loin dans la demeure, et chaque lustre s'illuminait au passage du Maître des lieux, comme une singulière révérence. Enfin, le Chat noir s'arrêta devant une porte qui portait l'inscription : "Chambre de la Vérité". Il lança un regard à sa compagne et celle-ci s'immobilisa à son tour. La poignée s'abaissa d'elle-même et la porte s'ouvrit sur la pièce.

- Voici votre chambre, déclara Pearl en faisant signe à Kane d'entrer. J'espère qu'elle est à votre goût.

Quand la porte s'ouvrit, Kané fut éblouit. Il vacilla, puis fit un pas dans sa chambre. Les murs étaient d'un blanc immaculé et, sur le sol, une moquette blanche brillait, comme la neige juste après être tombée. Tout autour de la pièce était accroché des photos de pays enneigés. Contre le mur, un lit d'une blancheur sans pareil attendait Kané, les bras ouverts et, juste au dessus, une fenêtre donnait sur l'étang du parc où des saules plongeaient leurs branches dans l'eau. A l'opposé du lit, une armoire pour les vêtements reposait, bien droite, à côté d'un petit cotonnier.
Kané, resplendissant de bonheur, se retourna vers Pearl:
- Merci ! Merci beaucoup ! Énormément ! Elle est fantastique ! s'écria le garçon, heureux.
Et, il prit Pearl dans ses bras, sans réaliser la gène qu'il pouvait causer...

Pearl ouvrit de grands yeux ronds, surprise. Les Chats n'étaient pas capables de serrer les gens entre leurs pattes, et comme ces félins avaient été ses seuls compagnons depuis son arrivée ici, Pearl avait perdu l'habitude des étreintes. Désireuse de ne pas froisser Kane Kinaki, la jeune fille attendit qu'il la relâche pour faire un pas en arrière, se réfugiant derrière son habituel masque d'insensibilité. La Vampire s'inclina alors.

- Nous allons vous laisser vous familiariser avec les lieux, déclara Mist.

Il baissa la tête et se dirigea vers la porte, suivi de Pearl. Au moment de disparaître dans le couloir, celle-ci se retourna pour lancer :

- Lorsque vous aurez faim, vous pourrez vous rendre au Grand Salon. Vous trouverez facilement de la nourriture.

Misa rentrait dans sa chambre pour passer la nuit, en faisant un détour, empruntant maints escaliers, maints portes et corridors, maints couloirs. Visitant une infime partie du gigantesque Château. Un dédale de chemins néanmoins minuscule comparé au labyrinthe entier qu'était le bâtiment.
Sa chambre était isolée, pourtant, en pénétrant dans un des nombreux couloirs, elle découvrit que celui-ci menait à la plupart des chambres des autres habitants. Elle remarqua alors les lettres d'or accrochées sur les portes, de chaque côté du sombre couloir au sol recouvert d'une écarlate, moelleuse moquette, dans laquelle s'enfonçaient les pieds.
Chambre des Cauchemars, Chambre du Désespoir, Chambre des Bois... Elle s'arrêta un instant devant la porte portant cette inscription. Songeant que ce nom idyllique aurait pu être parfait pour elle. Et se reprit, se remémorant le nom de Sa chambre, lui correspondant bien mieux.
Chambre du Malheur sans Fin, Chambre de la Vérité... La porte de cette dernière chambre baillait, entrouverte, peu, certes, mais suffisamment pour que Misa visualise une grande partie de la pièce. Lorsqu'elle aperçut le lit, meuble d'une couleur blanche, étincelante, pureté sans pareille, inégalable et pourtant existante, elle se figea. Ses yeux d'un bleu profond, teinte de la mer en temps de tempête, restaient fixés sur ce meuble resplendissant. Ils en remontèrent tout du long, et s'arrêtèrent sur un jeune homme qui dormait, paisiblement. Ses traits encore quelque peu arrondis, prouvaient que leur porteur sortait à peine de l'enfance. D'une peau de la couleur d'une pêche, possédant une fine bouche à la moue dubitative, bien rose, et attirante, ce garçon avait tout pour plaire aux filles. Pas à Misa. Qui n'en arrêta pas moins son inspection, son regard remontant toujours tant et plus, qu'il en arriva à la chevelure du jeune homme. Rouge. Vif. Écarlate, mais plus que cela.
La jeune Mi-Démone, inconsciemment, s'avança, pénétra dans la chambre, obnubilée, fascinée par la teinte de cette chevelure. Surprise, aussi. Mêydan voulut l'avertir de ce qu'elle faisait, mais elle n'osait faire de bruit, de peur de réveiller le jeune dormeur. Et Misa avait coupé son esprit aux pensées de sa compagne. Elle continuait à avancer.
Rouge. Vif. Écarlate, mais plus que cela. Son esprit entier se tendait en un élan vers cette couleur. Elle ne pensait à rien d'autre qu'à cette teinte. La jeune fille arriva enfin à côté du lit. Se pencha en avant, vers l'étrange, fascinante chevelure.
Depuis qu'elle s'était arrêtée sur le pas de la porte de cette chambre, dite de la Vérité, elle n'avait fait aucun bruit, produit aucun son. Pourtant, l'une de ses mèches de cheveux, traîtresse, effleura le visage paisible de l'inconnu. Légèrement chatouillé.

Kané, très sensible de la peau, fut dérangé par un petit chatouillis sur sa joue qui le réveilla. Il ouvrit légèrement et doucement ses paupières pour finalement les refermer précipitamment, éblouit par la blancheur de la chambre, contraste au noir du sommeil. Ne voulant pas se lever immédiatement, il s'enfouit sous ses couvertures et se tortilla dans tous les sens, pour trouver une position à son goût. Mais durant toute cette agitation, il se cogna à quelque chose. Ne se souvenant pas d'avoir vu un meuble près de son lit, il sortit tant bien que mal sa tête de sous les draps et, avec tous les efforts du monde, ouvrit ses yeux. Il se retrouva alors nez à nez à une jeune fille...
N'étant pas encore totalement réveillé, il resta là, la bouche ouverte et sans bouger, pendant quelques secondes puis, réalisant que quelqu'un s'était introduit dans sa chambre sans sa permission, il sauta précipitamment du lit, prit appui sur ses pieds au milieu de la chambre et fit volte face vers la jeune fille, les bras braqué devant lui sur la défensive.
- Qui êtes-vous ? demanda-t-il, sèchement.

Au moment où le genou du jeune homme l'avait cognée, Misa avait reculée de deux pas. Mais la fascination qu'elle éprouvait n'en était pas brisée. Elle restait sur place. Mêydan, elle, la rejoignit, se posa sur son épaule. Prête à parler à l'inconnu.
Lorsqu'il émergea de la gangue blanche des couvertures, pour se mettre en position de défense, Misa ne cilla pas. Mêydan, elle, rit :
"Voilà un jeune homme bien vif. Calmez-vous, nous ne vous voulons aucun mal."
La jeune Mi-Démone, elle, restait figée, les pupilles braquées vers la masse rouge. Elle entortilla l'une de ses mèches de cheveux autour de son index droit, et la tritura. Ne semblant pas avoir écouté, entendu les paroles du jeune homme. Qu'elle savait humain. Elle ne reconnaissait pas en lui l'ombre des Démons que ceux de cette espèce reconnaissent en leurs congénères. Elle ne sentait pas non plus l'effluve caractéristique des Vampires, et ne voyait ni les oreilles pointues des elfes, ni les épais muscles des Loups-Garous, ni l'étincelante, brillante, blanche, pure lumière émanant des Anges. C'était donc un Humain.
Elle s'avança de deux pas, se rapprochant de lui à nouveau, regagnant la distance qu'elle avait perdue en reculant. Elle se pencha légèrement, toujours l'une de ses mèches entre les doigts. Noir tranchant sur sa peau diaphane. Elle regardait toujours l'étrange couleur des cheveux de son interlocuteur. Rouge. Vif. Écarlate, mais plus que cela.
"Excusez-moi, c'est une teinte naturelle ?"

Kané, détestant que l'on fixe ses cheveux qui provoquaient des moqueries diverses, lança un regard noir à la jeune fille et répondit d'un ton agressif:
- Oui et alors ? Cela vous pose un problème ?
Comme la personne ne se pressait pas à répondre et fixait toujours ses cheveux rouges vifs de ses yeux aux couleurs de la mer, il ajouta:
- Je vous repose pour la deuxième et dernière fois ma question: "Qui êtes-vous ?". Et, que faîtes-vous dans ma chambre ? Je ne me souviens pas de vous avoir autorisé à renter !
Ne supportant plus que l'on fixe sa chevelure, il se retourna rapidement et prit une casquette blanche qui était posée sur un meuble et la mit sur sa tête. On ne voyait plus que par-ci par-là des mèches rouges ressortirent d'en dessous de la casquette. Puis, il se posta face à la fille, les bras croisés, attendant une réponse...

Misa, que le ton agressif du jeune humain à la chevelure rouge avait sorti de sa torpeur, regarda tout autour d'elle, semblant découvrir la pièce.
*Tiens... Que fais-je ici ? Je ne me souviens pas être entrée...*
Son bleu regard parcourut la pièce, longeant les murs, vite, détaillant les meubles, rapidement, pour venir se reposer sur le visage du jeune garçon, à une vitesse presque inhumaine. Démoniaque. Elle redécouvrit chaque traits de cette rose, jeune face, s'étonnant. En effet, comment l'oubli avait-il pu ainsi la submerger ? Comment avait-elle pu être aveuglée par la peu commune chevelure ? Elle l'ignorait. Ce qu'elle savait néanmoins, c'est qu'elle s'était mal comportée. Était entrée sans permission, avait pénétré comme une voleuse un sanctuaire. Celui d'un humain aux cheveux rouges. Elle fronça ses noirs sourcils, en une moue délicieuse.
"Excusez mon incorrection, je n'aurais pas dû entrer. Seulement..."
La Mi-Démone s'inclina respectueusement devant son tempétueux interlocuteur, mais ne termina sa phrase. Ses yeux revinrent se poser sur la blanche casquette recouvrant l'objet de son fantasme.
Mêydan, sentant que sa Compagne et Amie ne savait que dire, se secoua, détendant ses ailes, attirant sur elle l'attention du jeune garçon. Ses pupilles étincelèrent, et fixèrent les yeux de celui-ci.
"L'on me nomme Mêydan. Je suis en quelque sorte la jumelle de Misa, que voici, mais une Corbeau femelle. Je l'accompagne, évoluant depuis peu dans son sillage. Nous ne vous voulons aucun mal, rassurez-vous. Maintenant, je lui laisse le soin de se présenter.
Elle regarda tendrement la jeune guerrière qui laissa reposer sur son épaule, aux côtés du Corbeau, la mèche de cheveux qu'elle triturait mécaniquement depuis un certain temps. Ses yeux semblaient ternes, éteints, et exprimaient une once du mal-être qu'elle ressentait en permanence depuis sa naissance, en particulier apparu lors de son enfance. Son visage paraissait las, de devoir s'expliquer, s'exprimer, parler. Aux êtres quels qu'il soient. Son regard, une dernière fois, revint se poser sur les quelques échantillons rouges de l'étrange chevelure de l'Humain. C'est d'une voix basse mais mélodieuse qu'elle prit la parole :
"Je ne sais ce que vous pensez, néanmoins, je ne ressens pour la couleur de vos cheveux que... Fascinant..."
Elle se reprit, se contrôla, revenant à la réalité. Et se remit à parler :
"Je disais donc, que cette teinte me fascine. C'est si singulier ! Et néanmoins si beau ! De plus, cela s'accorde à vos yeux, fascinants eux aussi."
Elle soupira, et Mêydan lui insuffla force et volonté par la pensée. Misa reprit:
"Je me prénomme Misa, pour vous servir. Il me semble que je suis Démone, bien que, n'ayez pas peur, je sois aussi Humaine, comme vous, mais à moitié. J'ai parcouru un long chemin, tant physique que mental, pour venir m'échouer ici. Et vous, qui êtes-vous ?"